Centre de santé départemental de Saône et Loire : Création et état des lieux d’un dispositif innovant.

Ce travail est la propriété de son auteur, toute réutilisation ne pourra se faire qu’après accord de l’auteur.

      I.          Problématique

Le déclin de la démographie médicale impactant l’accès aux soins, et donc la santé des individus, est un des enjeux sociétaux actuels préoccupant le plus les français. En effet, comme nous le montre la Figure 1, selon l’institut national de statistiques et des études économiques (INSEE), en 2018, la santé était le 4ième sujet de préoccupation des français tous sexes confondus devant des sujets d’actualité comme l’environnement ou la délinquance.

Figure 1. Préoccupations principales des français en 2018 selon INSEE. (1)

Dans ce contexte, il existe de fortes disparités de répartition des médecins généralistes au sein des territoires ayant conduit à parler, de manière triviale mais non moins évocatrice, de « déserts médicaux » (2,3). De nombreuses évaluations et initiatives (4) ont été mises en place à divers échelons territoriaux pour palier à ce qu’on appelle communément la désertification médicale, comme par exemple les incitations financières (aides à l’installation, zones franches, bourses aux étudiants, indemnités de déplacement), favoriser l’exercice de groupe (création des subvention des maisons de santé pluridisciplinaires), réforme des études médicales, création de métiers intermédiaires entre médecins et infirmiers (ASALEE, IPA), etc….

Ce travail de cette thèse de doctorat vise à étudier l’une de ces nouvelles initiatives pour améliorer la démographie médicale des territoires déficitaires: le centre de santé départemental de Saône et Loire (CSD71). Un dispositif innovant, d’ailleurs pionnier en France métropolitaine, qui a pour but principal d’améliorer l’accès aux soins au sein des bassins de population du département les moins bien pourvus en médecins généralistes.

Nous nous attacherons à étudier la mise en place du centre de santé départemental de Saône et Loire au sein du département, en partant de la genèse du projet, la création du centre de santé, et le déploiement des centres territoriaux ainsi que de leurs antennes. Nous ferons ensuite un état des lieux de leur déploiement, et de l’implantation actuelle à seulement 2 ans du démarrage du projet.

Nous verrons par la suite la composition et le fonctionnement du centre de santé, sa gouvernance, et plus particulièrement la place et les missions des médecins généralistes. Les premières données financières du centre seront étudiées.

Enfin nous verrons l’impact immédiat du centre départemental de Saône et Loire sur la démographie médicale du département. Et pourrons donc juger si, peu de temps après le début du déploiement du centre, son objectif d’améliorer la démographie médicale des bassins de population les moins bien dotés en médecins généralistes est atteint.

Nous terminerons enfin par une revue des objectifs futurs et axes de développement envisagés pour le centre de santé départemental de Saône et Loire.

     II.          Contexte

1.     Démographie médicale

La région Bourgogne Franche comté, vaste territoire de près de 50 000 km²est la 5ième région de France métropolitaine en terme de surface (5). Ce vaste territoire se situe au 4ième rang des régions à faible densité médicale. Cette situation régionale masque les situations départementales et même cantonales très disparates, avec des déficits encore plus marqués dans les départements de l’ex-Bourgogne.

En effet la Figure 2 nous montre un écart très important entre les départements les mieux dotés et ceux les moins bien dotés. Alors qu’il y a 150 médecins généralistes pour 100 000 habitants dans le Doubs, il n’y en a que 93 pour 100 000 habitants dans l’Yonne. La Saône et Loire compte quant à elle 110 médecins généralistes pour 100 000 habitants en 2019. Ce qui la place en 76ième position des départements français les mieux dotés, alors que le Doubs se classe en 72ième position, et la côte d’or en 26ième position (6).

Figure 2. Répartition des médecins généralistes en activité, tous modes d’exercices, au sein de la région Bourgogne Franche Comté en 2019 (6).

Si l’on s’intéresse à l’objet de notre étude, la Saône et Loire et ses bassins de vie plus particulièrement (Figure 3), on constate que les disparités sont encore plus marquées avec des territoires ayant moins de 70, voire même 50 médecins généralistes pour 100 000 habitants comme c’est le cas dans le bassin de Digoin, à l’ouest du département, par exemple. Pour mettre en lumière ces chiffres on rappellera que la moyenne nationale est de 132 médecins généralistes pour 100 000 habitants.

Ainsi on constate qu’en Saône et Loire, même les territoires les mieux lotis n’atteignent pas la moyenne nationale, le phénomène ne touchant pas uniquement les bassins ruraux, mais également les plus grandes villes de Saône et Loire comme Mâcon, Chalon sur Saône ou Montceau les mines.

Figure 3. Densité de médecins généralistes en exercice au sein des bassins de vie en Saône et Loire en 2018 (7).

Outre les chiffres bruts, leur évolution est également inquiétante puisque les départements les plus mal lotis ont connu une dégradation plus rapide de leur densité médicale. Là où la densité des généralistes a chuté de 9,8% dans les départements les mieux dotés entre 2010 et 2018, elle chutait de 19.8% dans les départements les moins bien pourvus (8). Cela démontre les effets insuffisants des mesures incitatives mises en œuvre jusqu’ici au sein de ces territoires, et confirme l’urgence de les compléter par d’autres dispositifs.

D’autant plus que ce phénomène est amené à s’accentuer dans les années à venir du fait du glissement générationnel. En effet la moyenne d’âge des médecins généralistes en Saône et Loire est de 57 ans, avec 35% des effectifs qui ont plus de 60 ans, et 53% plus de 57 ans (6). Ici aussi l’ensemble du département est concerné, et ce ne sont plus seulement les communes rurales, mais aussi les agglomérations.

Malgré une évolution à la hausse du numerus clausus ces dernières années (Figure 4) avec un doublement du nombre d’étudiants par rapport au milieu des années 1990, le nombre de médecins disponibles aujourd’hui reste limité. En 2019 ce sont 9314 jeunes médecins qui entreront en formation (y compris recrutements hors première année commune des études de santé, les passerelles vers les études médicales) avec des capacités d’accueil facultaires en saturation. Malgré la suppression, ou plutôt la révision du numerus clausus, et une modification du mode d’entrée dans les études médicales (9) le nombre de médecin sera toujours limité par ces capacités d’accueil (10–12).

Figure 4. Evolution du numérus clausus depuis sa mise en place (13).

2.     Démographies et populations

Nous avons donc objectivé la diminution du nombre de médecins généralistes en exercice, mais le problème est aussi amplifié par la croissance démographique française. Entre 2008 et 2013, la croissance démographique était de + 0,5 % par an, puis de + 0,4 % par an entre 2014 et 2016, elle est enfin de + 0,3 % par an en 2017 (14) portant à plus de 67 millions d’habitants en France au 1ᵉʳ janvier 2019. Soit quasiment 8 millions de plus qu’au début des années 1990 (15). Dans le même temps, en 20 ans, la consommation de soins est passée de 5,9 consultations médicales par français chaque année, à 6,7 consultations par an (16), soit 6,4 millions de consultations médicales supplémentaires par an.

L’impact du type de population est également important. En effet le diagnostic des besoins de santé pour le département de Saône et Loire, réalisé par l’agence régionale de santé, met en avant plusieurs points clés. Avec en particulier une population vieillissante, ce qui implique des besoins en terme de santé plus importants et complexes. La Saône et Loire est le département de Bourgogne Franche Comté comptant la part la plus importante de personne âgée avec la Nièvre, comme le montre la Figure 5.

Figure 5. Part (%) des 60 ans et plus en Bourgogne Franche Comté en 2013 (17).

Au 1er janvier 2012, la part de personnes âgées de 60 ans ou plus vivant en France, était de 17,1 % de la population, alors que dans le même temps elle était de 30% en Saône et Loire (17).

De la même manière le nombre d’affections longues durées (ALD) pour cancers, diabètes et pathologies psychiatriques est supérieur en Saône et Loire par rapport à la moyenne régionale (étude entre 2012 et 2014) (17–19).

Est aussi à signaler un taux d’hospitalisation significativement supérieur à la moyenne nationale (17–19) que l’on peut supposer être en lien avec les déficits d’offres de soin ambulatoire.

Enfin les taux de dépistages de masse du cancer du sein et du colon en Saône et Loire ne sont pas satisfaisants, avec des taux en deçà des objectifs nationaux (Tableau 1).

Tableau 1. Participation aux dépistage de masse en Bourgogne Franche Comté, et objectifs nationaux (18).

3.     Solutions déjà mises en œuvre

C’est ainsi sur l’attractivité des territoires qu’il faut travailler. Depuis plusieurs années, divers dispositifs ont été mis en place pour cela, et ce dès le début des études médicales avec par exemple, dès la seconde année, des bourses d’études comme le contrat d’engagement de service public (CESP). Créé en 2012, il octroie une allocation de 1200 € brut par mois aux étudiants, en échange d’un engagement à une installation en zone sous dense au moins aussi longue que la durée pendant laquelle ils ont perçu leur bourse (20). Il existe aussi des aides lors de l’internat pour la mobilité et le logement au sein des territoires ruraux, ou encore à l’échelon départemental une autre bourse durant l’internat en contrepartie d’une installation en Saône et Loire.

Depuis 2013, le département de Saône-et-Loire a ainsi mis en place le dispositif installeunmedecin.com (21) pour favoriser l’installation et le maintien des professionnels de santé dans la région. Cela consiste notamment en des incitations financières. Le dispositif compte à ce jour une centaine de bénéficiaires de ses aides financières.

Le département de Saône-et-Loire a aussi créé la mission de soutien aux installations de médecins (SIM 71) pour accompagner les étudiants ou les médecins dans leur projet d’installation. Cette mission permet un accompagnement dans la présentation des territoires, l’introduction aux acteurs locaux, une aide pour les démarches liées à l’installation professionnelle, et l’installation sur un territoire.

Ces actions à elles seules sont de bonnes initiatives, mais force est de constater qu’elles ne suffisent pas à enrayer l’érosion de la démographie médicale sur les territoires du département. C’est sur ce constat qu’un nouveau dispositif, non plus incitatif mais pro actif, a été imaginé : le centre de santé départemental de Saône et Loire. Avec pour but d’améliorer la santé des habitants de Saône et Loire et de réduire les inégalités d’accès aux soins. Une démarche innovante puisque la première en France initiée par un département sur l’échelle de tout son territoire.

4.     Matériels et méthodes

L’étude de la création et du déploiement du centre de santé départemental de Saône et Loire a été rendue possible par la direction du centre qui a accepté la réalisation de ce travail de thèse en toute transparence. Le recueil d’informations s’est donc quasiment exclusivement déroulé auprès du centre départemental qui a fourni toutes les informations brutes, documents de présentation, documents de travail, rapports, etc… à sa disposition. Le travail descriptif quant à la création et au déploiement du centre de santé a consisté en tri, une compilation et une hiérarchisation des informations pertinentes.

Les données concernant les médecins, les données financières, et les données au sujet des consultations réalisées au sein des différents centres territoriaux et de leurs antennes ont également été fournies de manière brute par le centre départemental. Les données concernant les installations annuelles de médecins généralistes en Saône et Loire ont été fournies par le conseil départemental de l’ordre des médecins.

La compilation et l’analyse des données chiffrées brutes a été réalisée grâce au tableur Excel. Ce dernier a également permis de réaliser les figures et graphiques présentés.

De nombreux compléments d’information et orientations ont été nécessaires. Ils ont été recueillis via entretiens dédiés auprès de la directrice médicale, de la chargée de projets transversaux, de la coordinatrice des ressources humaines, et du directeur du centre de santé départemental. On a tenté d’éviter au maximum tout effet de halo lors de ses entretiens en s’en tenant aux faits.

Le centre départemental de santé étant créé depuis très peu de temps les seules informations disponibles étaient issues du centre lui-même. Il faut noter que cette faible variété de sources d’information, ainsi que les compléments d’information via entretiens ont pu être source d’un biais déclaratif, malgré la grande transparence du centre de santé départemental de Saône et Loire.

Il faut également souligner un biais au niveau de la récolte des données chiffrées en lien avec les consultations réalisées. En effet elles sont issues du logiciel Aacteur qui n’était au moment du recueil par encore parfaitement calibré ni maitrisé par les équipes, occasionnant quelques imprécisions. La cohérence globale de données est néanmoins assurée.

    III.          Historique

1.     La genèse

La réflexion autour du centre de santé a débuté début 2017 suite aux constats faits précédemment. Il a fallu rendre concret le projet en s’assurant de sa faisabilité. Cette étude préalable a mené à des échanges avec l’agence régionale de santé (ARS) et la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), la fédération nationale des centres de santé (FNCS) et le conseil départemental de l’ordre des médecins (CDOM). A noter que l’appui sur l’expertise de la fédération nationale des centres de santé a été important car il a permis de valider la faisabilité du projet, en terme juridique et financier en particulier.

Une fois la preuve du concept faite, et la faisabilité validée, le projet a pu progresser de manière plus concrète. C’est ainsi que le 22 juin 2017 le projet de centre de santé départemental multi site a été présenté par le président du conseil départemental, aux élus départementaux. Le chantier du centre de santé départemental était alors lancé sur tous les fronts : modèle économique et juridique, ressources humaines, diagnostic territorial, système d’information, locaux, communication, partenariats…

Dès le 20 juillet 2017 un appel à manifestation d’intérêt est lancé auprès des collectivités de Saône et Loire (Annexe : Appel à candidature des collectivités territoriales). Il leur était alors demandé de préciser leurs besoins, et la manière dont laquelle elles pourraient accueillir une équipe médicale. L’idée était que les communes fourniraient les locaux, et le conseil départemental les ressources humaines.

a.      Les communes et intercommunalités

L’appel à manifestation d’intérêt des communes et intercommunalités a duré tout l’été 2017 avec une date butoir au 1ier septembre 2017. Il a permis de travailler avec ces dernières en évaluant leurs besoins médicaux. Le déploiement du centre de santé 71 s’est fait en concertation avec les communes, mais aussi sur un consensus local plus global entre les collectivités, les attentes de la population et les professionnels de santé déjà implantés dans les secteurs.

A l’issue de cette concertation, ce sont près de 50 candidatures qui ont été recueillies et toutes acceptées d’emblée. En revanche pour mieux organiser le déploiement progressif du centre de santé, une priorisation d’implantation a été effectuée selon différents critères. Avec bien entendu en premier lieu la démographie médicale locale:

  • Nombre et densité de médecins généralistes, temps de travail des praticiens, périmètres d’intervention.
  • Age des praticiens et perspectives de départs à la retraite.
  • Présence de structures de soin à proximité : maison de santé pluridisciplinaires (MSP), centres de santé, structures hospitalières, présence de spécialistes.
  • Zones prioritaires de l’agence régionale de santé (ARS).

Les données démographiques des territoires, de leur population, et de la santé de ces populations ont également été un facteur décisionnel important :

  • Densité de population
  • Part des personnes âgées.
  • Indicateurs de fragilité : taux de chômage, revenus des populations, bénéficiaires de minima sociaux.
  • Taux de mortalité.
  • Taux de personnes en affection de longue durée (ALD).

Le projet étant d’initiative départementale avec appel à manifestation auprès des communes et intercommunalités, la dimension territoriale n’a pas été négligée avec importance de :

  • Intégration du projet dans une dynamique locale.
  • Coordination et partenariats possible avec les acteurs locaux des bassins de vie.
  • Prise en compte de la mobilité et de l’accessibilité.
  • Obtention d’un consensus local indispensable des collectivités, habitants, et médecins libéraux.

Et enfin c’est le niveau d’implication des communes qui a été étudié :

  • Participation financière éventuelle.
  • Mise à disposition de locaux, capacités d’accueil de ces locaux.
  • Mise à disposition ou financement des équipements.
  • Echéance et disponibilité de ces éléments, faisabilité du projet dans un calendrier défini. Aspect important pour envisager la chronologie du déploiement.
  • Qualité intrinsèque du dossier déposé.

Un exemple de matrice décisionnelle avec sommation des différents critères pris en compte est présenté dans l’Annexe : Déploiement antennes centre de santé de Montceau proposition de priorisation.

Au terme de cet appel à manifestation d’intérêt et de la priorisation des dossiers, ce sont 5 centres de santé territoriaux qui sont retenus, ainsi que 47 antennes pour un déploiement progressif en 3 phases sur tout le territoire (Figure 6).

Figure 6. Carte des communes ayant répondu à l’appel à manifestation d’intérêt durant l’été 2017 et antennes retenues. (Source CDS71).

b.      Les médecins généralistes

Un aspect primordial et préalable à l’ouverture du centre de santé a été le recrutement de médecins généralistes. Nous verrons d’ailleurs que l’organisation et le déploiement des antennes locales sont toujours conditionnés au recrutement des médecins.

Le recrutement initial pour déployer les phases 1 et 2 en 2018 demandait 30 médecins. Dont 15 équivalents temps plein (ETP) pour la phase 1, directeur médical inclus. Un directeur médical par intérim a été recruté par le biais de la fédération nationale des centres de santé dès juillet 2017 afin de participer au lancement du centre. Puis le directeur médical a rejoint l’équipe de manière effective début 2018. Enfin le recrutement des médecins généralistes a débuté début septembre 2017.

Ont été recrutés au tout départ dans chaque centre territorial : 1,1 ETP à Digoin, 1 à Autun, 3,2 ETP à Chalon sur Saône, et 3 ETP à Montceau les mines, soit 6,3 médecins généralistes ETP.

2.     Le déploiement

Nous allons maintenant tâcher de décrire le déploiement du centre de santé départemental, en précisant les objectifs initiaux et en voyant quelques exemples de réalités de terrain ayant imposé des modifications par rapport à ce qui était prévu initialement.

Le 21 septembre 2017, soit seulement 3 mois après la présentation du projet, le conseil départemental de Saône et Loire a officiellement adopté la création du centre de santé départemental, permettant ainsi la matérialisation de tout le projet. Préparation des locaux, recrutement effectif des médecins et personnels administratifs.

Le déploiement des différents centres de santé territoriaux et de leurs antennes se ferait en 3 phases, pour répondre de manière progressive aux nombreuses collectivités ayant répondu à l’appel à manifestation d’intérêt. Ces phases sont présentées sur la Figure 7 et permettent de répondre à toutes les demandes formulées lors de l’appel à candidature des communes.

Figure 7. Déploiement du centre de santé départemental, présentation des différents Centres de santé territoriaux et du rattachement de chaque antenne à ces derniers.

a.      Phase 1 : le lancement effectif

La phase 1 a consisté en l’ouverture des premiers centres de santé territoriaux : le centre de santé départemental ouvre ses portes officiellement le 6 février 2018 à Digoin, à Autun le 22 février 2018, à Chalon sur Saône le 17 avril 2018, puis à Montceau les mines dans la foulée. Le siège administratif du centre de santé est basé à Mâcon sans qu’y soit prévu de centre territorial au départ.

La Figure 8 présente l’implantation territoriale de la phase 1.

Figure 8. Projet de déploiement pour la phase 1 suite à l’appel à manifestation d’intérêt aux collectivités locales.

On constate que les premiers centres de santé territoriaux sont implantés principalement dans les zones prioritaires de l’agence régionale de santé (ARS). Seul le centre de Chalon sur Saône fait exception, son implantation a cependant permis de palier à la désertification médicale du centre-ville qui était une micro zone sous dotée pour plusieurs raisons évoquées: départs à la retraite, regroupement des médecins en maisons médicales hors du centre, du fait de difficultés de mise aux normes d’accessibilité des bâtiments dans le centre-ville.

A noter que lors de cette phase 1 l’antenne de Paray le Monial n’a pas pu être ouverte par manque d’effectif médical. En effet comme nous l’avons vu, le centre de Digoin a ouvert au tout départ avec seulement 1,1 équivalent temps plein médecin, ce qui ne permettait pas de faire tourner toutes les antennes prévues au projet. Il a fallu couvrir en priorité les amplitudes horaires du centre de Digoin.

De la même manière, l’antenne de Bourbon Lancy n’a pas pu être ouverte du fait du manque de médecins, et son ouverture a même été reportée à plus longue échéance du fait de l’absence de consensus avec les médecins libéraux installés sur place.

A contrario l’antenne de Gueugnon a rapidement été ouverte malgré le manque d’effectifs. En effet dans ce cas, ce sont les médecins libéraux locaux qui, débordés, ont alerté par courrier le président du conseil départemental de l’urgence d’un renfort médical sur place. L’ouverture a été rendue possible grâce au renfort de médecins des centres de Montceau les mines et Chalon sur Saône. Ainsi qu’au recrutement d’un nouveau médecin généraliste sur le centre de Digoin.

b.      Phase 2

La phase 2 ne prévoyait pas d’ouverture de nouveaux centres territoriaux, mais le renforcement de ceux existants via ouverture de nouvelles antennes. Soit 4 nouvelles antennes pour le centre territorial de Digoin, 1 pour le centre territorial Montcellien, 1 pour le centre territorial autunois, et 3 antennes rurales pour le centre territorial châlonnais (Figure 9). Le tout devant s’étaler sur la fin de l’année 2018.

Figure 9. Déploiement phase 1 et 2 prévu au cours de l’année 2018.

Dans les faits notables de la phase 2, on peut citer l’antenne de Champforgeuil qui a ouvert en septembre 2018 alors qu’elle était prévue en phase 1 initialement. Et qui a été rapidement fermée suite à l’installation d’un médecin libéral sur place.

De la même manière, l’antenne de Chatenoy le royal prévue lors du projet initial a rapidement été redéployée du fait de l’installation de 2 médecins généralistes libéraux sur place.

Enfin, on constate l’ouverture d’antennes au Creusot et à Torcy qui sont 2 villes limitrophes, cela est expliqué par la demande simultanée des 2 communautés sans concertation entre elles lors de l’appel à candidature initial. La rapidité de l’appel à manifestation, et sa durée brève n’a pas toujours permis la concertation entre communes et communautés de communes. Sur le terrain cela ne pose pas de problème, les 2 antennes sont prévues et la plasticité du système d’antennes permet une adaptation quasiment en temps réelle au niveau local en fonction des besoins.

c.      Phase 3

La phase 3, tout juste amorcée en 2019, suit la phase de consolidation qu’était la phase 2, et constitue une expansion avec cette fois ci l’ouverture de nouveaux centres de santé territoriaux : à La Clayette, Charolles, et à Mâcon où aucun centre territorial médical n’était prévu au départ du projet. Mâcon qui reste le siège du centre départemental, mais accueille aussi un centre médical territorial pour faire face aux mêmes problèmes urbains qu’à Chalon sur Saône. Soit la désertification du centre-ville suite à de nombreux départs en retraite sans remplacements prévus. 2 antennes rurales sont prévues pour le centre territorial de Mâcon. Et ce sont au total près de 15 antennes supplémentaires qui sont prévues durant le déploiement de la phase 3 (Figure 10).

Figure 10. Phase 3 de déploiement du centre de santé départemental, prévu à partir de 2019.

A noter lors du démarrage de cette phase 3, l’ouverture de l’antenne d’Etang sur Arroux en mai 2019, alors qu’elle était prévue initialement en phase 1. Cette ouverture tardive est liée au fait qu’en phase 1, le local prévu n’était finalement pas disponible, ce qui avait stoppé l’implantation de l’antenne. Mais début 2019 le départ précipité du médecin libéral sur place a motivé l’intervention du centre en urgence à la demande de la collectivité qui a alors tout fait pour mettre à disposition des locaux rapidement.

Pour conclure sur le déploiement du centre qui est toujours en cours, avec des modifications susceptibles d’être apportées en fonction des spécificités locales, la Figure 11 présente le déploiement effectif du CSD71 au 31 mai 2019.

Figure 11. Etat de déploiement effectif du centre de santé de Saône et Loire fin mai 2019.

On peut constater que plusieurs antennes sont encore au stade de projet et non déployées comme nous l’avons déjà détaillé. A noter l’antenne du Creusot qui sera amenée à devenir un centre territorial à part entière d’ici fin 2019 alors que, comme pour le centre de Mâcon, cela n’était pas prévu au départ.

d.      Difficultés rencontrées

Nous avons donc vu à travers les cartes du déploiement théorique, et les exemples de déploiement effectif, que le centre de santé départemental a été obligé de s’adapter à la réalité du terrain et aux contraintes imposées. Contraintes de démographie médicales, contraintes matérielles ou encore politiques, avec des notions d’urgences plus ou moins importantes à chaque fois. Voyons donc maintenant les principales autres difficultés auxquelles a été confronté le CDS71 lors de son déploiement.

        i.          Difficultés rencontrées avec les différents acteurs locaux

Au tout départ du projet, le conseil départemental de l’ordre des médecins (CDOM) a été sollicité et a fait part de ses interrogations quant à ce dernier, en particulier vis-à-vis de l’engagement des médecins salariés du centre. Il n’était pas envisageable que ces médecins salariés implantés sur tout le territoire départemental ne participent pas à la continuité ni à la permanence des soins ambulatoires. Les doutes ont vite été dissipés et aujourd’hui il y a encore des rencontres régulières avec le CDOM, rassuré par la participation effective des médecins du centre départemental à la continuité et à la permanence des soins.

Bien entendu il y a eu des inquiétudes, plus ou moins nombreuses selon les territoires, de la part des médecins libéraux. Ces inquiétudes sont attribuées par le centre départemental à une méconnaissance du salariat, et également aux interrogations sur la continuité et permanence des soins. A juste titre, les libéraux estimaient que les médecins salariés devraient participer au tour de garde, et ils avaient peur qu’ils tentent de s’y substituer… Il y a aussi eu quelques doutes sur les compétences des médecins recrutés. Enfin l’aspect concurrentiel a donné lieu à de nombreuses inquiétudes sur certains territoires.

Il a été reproché au CSD71 un manque de concertation avec certains acteurs locaux. C’est probablement ce manque de concertation qui a entrainé les diverses inquiétudes. Au départ avait été effectuée une réunion par bassin d’implantation d’un centre territorial et toutes ces antennes, avec invitation envoyée à tous les médecins libéraux locaux. Ces réunions trop peu nombreuses n’ont pas mobilisé les foules, avec jamais plus de 15 médecins présents à chaque fois.

Suite à ces écueils, des corrections ont été apportées dans la communication du centre départemental auprès des confrères libéraux. Il y a maintenant à chaque prévision d’ouverture d’une antenne une réunion systématique sur place. De plus, les acteurs du centre départemental essaient de se rendre aux évènements médicaux locaux comme les soirées de formations, ou soirées d’accueil des internes, afin de s’y présenter et de présenter le centre de santé départemental.

Des difficultés imprévues au départ ont également émergé avec les paramédicaux, qui avaient une méconnaissance totale du centre de santé. Une fois de plus, des difficultés probablement simplement dues à une communication insuffisante de la part du CSD71. Mais qui a pu donner lieu à des situations cocasses, avec des paramédicaux pensant que le centre de santé n’était réservé qu’à la fonction publique, ou encore aux urgences…

Enfin les biais communicationnels ont aussi touché les patients. Certains pensant le centre uniquement comme un dispensaire à usage ponctuel. C’est d’ailleurs un problème pour le CSD71 qui souhaite jouer un vrai rôle stable au sein des territoires et pas seulement palier en cas d’absence du médecin traitant habituel. Il a fallu émettre de nouvelles plaquettes à destination des patients expliquant qu’ils pourraient choisir un médecin traitant au sein du CSD71. Une telle plaquette de communication est présentée dans l’annexe : Communication à destination des patients.

      ii.          Difficultés de recrutement des médecins

Comme nous l’avons vu, la phase 1 prévoyait le recrutement de 15 médecins généralistes, et les recrutements effectifs ont été progressivement d’une dizaine de médecins pour environ 8 ETP. Les 15 ETP sont seulement atteints en fin de phase 2, fin 2018. Aujourd’hui ce nombre atteint 41 médecins pour 32 ETP recrutés, alors que la montée en charge du centre prévoit 50 postes à pourvoir d’ici fin 2019. Un chiffre qui sera difficilement atteint comme en témoigne la Figure 12. De par la difficulté à recruter de nouveaux médecins, mais aussi à cause d’un taux de rotation des effectifs plus important des médecins salariés.

Figure 12. Effectifs recrutés au centre de santé départemental et objectifs.

En effet, bien que le centre de santé départemental soit une structure jeune, elle a déjà vu le départ de quelques médecins. Départs pour raisons familiales principalement. Et on peut supposer que ce taux de renouvellement sera plus important que chez les libéraux du fait du salariat. En effet il est plus facile de démissionner, que de quitter un cabinet libéral dans lequel on a beaucoup investi.

   IV.          Projet de santé du centre départemental

Attachons nous maintenant à décrire l’offre du centre de santé départemental, une offre médicale de premier recours destinée aux patients en direct, des actions de santé publique, mais aussi d’autres missions plus spécifiques en lien avec le département.

1.     Offre pour les patients

Le but premier du centre de santé départemental de Saône et Loire est de réduire les inégalités sociales et territoriales, en permettant un meilleur accès aux soins grâce au maillage décentralisé qui permet d’intervenir de manière souple dans les territoires les plus déficitaires.

Le tiers payant sur la part obligatoire sans compléments d’honoraires (médecins conventionnés secteur 1) est pratiqué de manière systématique.

En plus de la localisation sur tout le département, le centre propose une large amplitude horaire avec consultations possibles de 8h à 20h dans les centres de santé territoriaux, mais aussi l’ambition de proposer des plages de consultation le samedi de 8h à 12h. A noter que pour répondre à tous les besoins, des plages de consultations sont réservées aux urgences.

Les médecins généralistes du centre de santé départemental de Saône et Loire peuvent être choisis comme médecins traitants par les patients.

2.     Missions de santé publique

Outre l’offre immédiate de consultations médicales faite aux patients, le centre de santé départemental de Saône et Loire souhaite proposer un vrai projet de santé adapté aux besoins des habitants du département. Il met donc en avant des missions de santé publique générales, et aussi en lien avec le projet régional de santé édité par l’ARS (19). Voici un panel des actions prioritaires pour la Bourgogne Franche-Comté:

  • Campagnes de sensibilisation à la vaccination pour lutter contre l’hésitation vaccinale en recrudescence ces dernières années (22).
  • Dépistages de masse (cancer du côlon, cancer du sein) pour se rapprocher des objectifs nationaux en la matière, voir les dépasser.
  • Actions de prévention envers les jeunes, les personnes âgées, périnatalité, addictions, suicides.
  • Education thérapeutique des patients lors des consultations médicales. Mais également via la délégation de compétences possible grâce au dispositif d’infirmières ASALEE (Action de santé libérale en équipe). Ce dispositif autorisé depuis 2012 suite à la loi hôpital patients santé territoires (HPST) de 2009 (23) permet une délégation d’activités médicales à une infirmière pour des actions de suivi et de prévention des maladies chroniques. Leur activité consiste en un suivi et une éducation thérapeutique des patients présentant des maladies chroniques (diabète, bronchite chronique obstructive, maladies cardiovasculaires, sevrage tabagique, troubles neuro cognitifs liés à l’âge). Les actes autorisés par la délégation médicale sont les suivants : électrocardiogrammes (sauf interprétation), spirométrie, évaluation de syndromes dépressifs, évaluation des troubles neuro cognitifs, dépistage des neuropathies périphériques.

Aujourd’hui le recrutement de 3 infirmières ASALEES est effectif au sein du centre de santé départemental.

Le souhait du centre départemental est aussi de développer des partenariats avec les acteurs locaux (ARS, CAF et associations type ANPAA, maison des ados, SSIAD…) pour développer les actions génériques précédemment évoquées en coopération et synergie avec ces différents acteurs.

En plus de ces missions globales, la nature multi sites du centre de santé départemental de Saône et Loire implique des spécificités territoriales. En effet, lors de l’implantation d’un centre territorial, une étude des besoins socio-sanitaires du bassin de vie est effectuée pour dégager des objectifs et mettre en place des actions ciblées.

Par exemple, lors de l’implantation du centre territorial de Digoin, il a été identifié que les cancers et maladies cardiovasculaires étaient les premières causes de mortalité de ce bassin de population (18,19), ce qui permettra d’orienter les actions de prévention du centre de santé en ce sens. De même a été relevé un problème d’accès au soin du fait de la topographie de ce bassin de vie, ce qui a permis de savoir où implanter au mieux les antennes du centre de santé.

Autre exemple, lors de l’implantation du centre autunois, le diagnostic a montré que la part des diabétiques était supérieure au taux régional, ou encore qu’il y avait des carences au niveau de la prévention sanitaire chez les enfants de 0 à 6 ans. Les médecins du centre territorial autunois pourraient ainsi venir en renfort sur des missions de protection maternelle et infantile (PMI).

A noter que les services offerts aux patients et les missions de santé publique entreprises par le centre sont d’autant plus importantes qu’ils lui permettront de dégager des financements supplémentaires via les rémunérations sur objectifs définies par l’accord cadre national des centres de santé (Annexe : Accord cadre national des centre de santé – avenant 1). Par exemple, l’ouverture sur amplitudes horaires de 8h à 20h ouvre droit à rémunération de 5600€ par an. Ou encore, l’exécution de 2 missions de santé publiques ouvre droit à rémunération de 9800€ par an.

3.     L’innovation

Le centre de santé départemental de Saône et Loire est innovant de par son approche départementale globale, en effet c’est la première fois qu’un centre de santé est créé et géré par un département. Mais ce qui fait son originalité par rapport à d’autres centres de santé créés et gérés par des collectivités, c’est son maillage à l’échelle territoriale vaste. Celui-ci permet de compléter les zones déficitaires en médecins généralistes au mieux. Un maillage qui sait rester souple, à la fois sur l’implantation des antennes et leur mobilité aisée. Mais aussi souple sur les missions et les actions de prévention mises en œuvre, puisque comme nous l’avons vu, chaque implantation est étudiée en fonction du contexte socio sanitaire local pour répondre au mieux aux besoins spécifiques des différents bassins de populations.

Enfin, l’exercice des missions départementales par les médecins généralistes dans le cadre de leur activité salariée est unique en France.

De nombreux projets sont également en cours, avec par exemple le souhait de pouvoir intégrer des assistants médicaux aux équipes dès que ce dispositif sera effectif et accessible aux centres de santé (actuellement seuls les syndicats de médecins libéraux ont signé l’accord). Mais aussi de pouvoir pratiquer la télémédecine pour compléter le maillage territorial et intervenir plus facilement sur les sites les plus reculés, ou de manière ponctuelle dans les EHPAD.

Enfin le centre de santé projette d’accueillir des étudiants en médecine dès que possible dans le cadre de leur cursus universitaire. Les premiers externes et internes seront en poste au sein du CSD71 en novembre 2019. Ce qui participera à sa mission d’améliorer la démographie médicale du département. En effet, c’est en accueillant des étudiants sur les territoires que l’on peut leur donner l’envie de revenir s’y installer.

4.     Les 5 grands principes

Les 5 grands principes directeurs du centre de santé départemental dictent son déploiement et son fonctionnement. Ils sont établis comme suit:

  • Subsidiarité: apporter une réponse subsidiaire aux maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) et médecins libéraux déjà implantés sans s’y substituer. Il n’y aura jamais de centre territorial de santé ni d’antenne en zone non déficitaire si aucun besoin n’y a été identifié.
  • Consensus: l’installation d’un centre territorial de santé n’est envisageable que sur les territoires qui le souhaitent. Il doit y avoir consensus entre les professionnels de santé, habitants, et collectivités locales.
  • Complémentarité: Le centre de santé doit travailler de concert avec les acteurs locaux des champs de la santé, prévention, et médico sociaux.
  • Agilité: le système d’antennes doit être suffisamment souple pour permettre d’évoluer aussi rapidement que les milieux dans lesquels elles évoluent. C’est-à-dire, pouvoir s’adapter aux besoins de la population en quittant les zones à plus forte densité médicale, pour s’installer dans les zones à plus faible densité médicale.
  • Equilibre financier: après des investissements initiaux pour la mise en place du centre de santé, puis son développement, le but est que ce dernier atteigne l’équilibre financier.

     V.          Fonctionnement du centre de santé départemental

Nous avons donc étudié le projet de santé du centre départemental dicté en respect de ses 5 grands principes directeurs. Voyons maintenant plus en détail le fonctionnement interne du CDS71.

1.     Composition

Le centre de santé départemental est, comme nous l’avons vu et comme son nom l’indique, géré par le département de Saône et Loire. Il s’agit d’un service dédié au sein de la collectivité, il dispose de son propre budget alloué. La gouvernance de la structure est assurée par l’assemblée départementale, un conseil d’exploitation et son président, ainsi que le directeur administratif du centre de santé.

Le management est assuré par le directeur administratif, un directeur médical, ainsi que 2 gestionnaires administratifs et financiers.

a.      Directeur

Il supervise la gestion comptable et financière du centre de santé, répond aux appels à projets et monte les dossiers, puis il suit les dossiers d’aides et de subventions. Il est également, au même titre que le directeur médical, responsable du suivi et de l’évaluation du projet de santé du centre, ainsi que de son développement.

b.      Directeur médical

Le directeur médical a un rôle primordial. En effet, il pilote et évalue le projet de santé du centre. Il est responsable de la veille sanitaire. Il propose et met en œuvre le développement de l’offre de soins dans les centres de santé territoriaux. Il représente également le centre départemental auprès des instances administratives et institutionnelles.

Le directeur médical a une place primordiale dans le recrutement des nouveaux médecins du centre départemental. Il coordonne et accompagne les équipes médicales. Il supervise également l’accueil des étudiants en médecine. Et enfin, c’est lui qui impulse les nouveaux projets.

c.      Référent ressources humaines

Responsable du recrutement des médecins, il effectue la présentation du centre de santé départemental, la visite des centres de santé territoriaux, la présentation des équipes en place… Il accompagne également les médecins dans les différentes démarches administratives préalables à leur recrutement.

Le directeur des ressources humaines est également responsable du recrutement, de l’accueil, et de la coordination du personnel administratif.

d.      Chargé de projet transversaux

Il participe au pilotage du centre de santé, et a pour mission la coordination entre l’ensemble des partenaires internes au sein des différents centres de santé territoriaux et antennes. Il gère également la coordination avec les partenaires externes au centre, comme les collectivités locales, ou les institutions (ARS, CPAM, etc…). Enfin, il a pour mission le suivi de la communication globale du centre de santé.

e.      Médecin coordinateur

Chaque centre territorial de santé bénéficie d’un médecin qui endosse le rôle de coordinateur, et qui sous la délégation du médecin directeur, supervise le fonctionnement du centre territorial: accueil, qualité des soins, hygiène, coopération entre les professionnels, suivi des réunions de concertation hebdomadaires. Il participe également à la mise en place de partenariats avec les acteurs locaux de santé, en coopération avec le chargé de projets transversaux.

Actuellement, 2h sont allouées au médecin coordinateur territorial mais cela devient trop peu. Une réflexion est en cours à ce sujet. Elle s’oriente entre le choix de majorer ce temps ou de créer un poste en renfort au directeur médical, et à visée principalement de coordination médicale.

f.       Coordinatrice

Comme au sein des maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), le CSD71 dispose dans chacun de ses centres de santé territoriaux d’un coordinateur (différent du médecin coordinateur). Son rôle est d’assurer la qualité de l’accueil des patients, et donc le bon fonctionnement de chaque centre territorial au niveau local. C’est le garant de la bonne organisation des soins. Pour ce faire, le coordinateur assure la bonne communication interne entre les différents acteurs des centres de santé territoriaux et de leurs antennes, en lien avec le médecin coordinateur. Concrètement, cela comprend :

  • Mise en place des réunions d’équipe pluridisciplinaires.
  • Gestion structurelle de terrain avec organisation et partage des plannings.
  • Gestion des nouveaux arrivants et intervenants ponctuels : remplaçants, internes, stagiaires, etc

La mission de gestion du fonctionnement des centres de santé territoriaux et antennes implique que le coordinateur veille aux bonnes conditions de travail des salariés. Il a donc pour mission la veille au bon fonctionnement matériel, des locaux, et des instruments de travail. La gestion des stocks de petit matériel en particulier, mais aussi la gestion des petits travaux d’entretien, et enfin, l’hygiène et la sécurité au sein des locaux.

Le coordonnateur peut aussi, en accord et en synergie avec le chargé de projets transversaux, gérer la communication externe de son centre territorial et antennes avec les acteurs externes locaux (collectivités, écoles…).

g.      Règlement intérieur

Il a pour objet de définir les règles de fonctionnement interne du centre de santé départemental en conformité avec la réglementation (24,25). Il précise les principes généraux d’utilisation de l’espace et du matériel, en particulier en matière d’hygiène et de sécurité. Il détaille également les informations relatives aux droits des patients.

La Figure 13 présente de manière graphique et synthétique le diagramme de gouvernance du centre de santé départemental de Saône et Loire selon la description faite précédemment.

L’organigramme général est présenté en Annexe : Organigramme du centre de santé départemental au 30 juillet 2019.

2.     Les médecins généralistes au sein du centre de santé départemental

a.      Recrutement

Comme nous l’avons vu, afin de répondre aux besoins de la population, le but du centre de santé départemental est de faciliter et favoriser l’installation de nouveaux médecins généralistes. Pour ce faire, il a fallu répondre aux aspirations de ces derniers : concilier au mieux vie professionnelle et vie privée, travailler en équipe, bénéficier d’une couverture sociale satisfaisante (26–28).

Afin d’inciter à l’installation des médecins sur les territoires au sein des centres territoriaux, il a donc été nécessaire de proposer un mode d’exercice attractif. Pour cela leur est proposé un exercice sous un statut salarié, avec les avantages que cela confère : protection sociale, droit à la formation, salaire fixe, horaires de travail prédéfinis. Mais aussi un allègement de la charge administrative pour une maximisation du temps médical, diversification des activités avec des actions de prévention et missions départementales. Et enfin, un exercice coordonné en groupe pluridisciplinaire.

Comme précisé précédemment, c’est le directeur médical qui a assuré le recrutement des médecins généralistes, en collaboration avec le référent ressources humaines.

Le recrutement initial, pour déployer les phases 1 et 2 en 2018, prévoyait 30 médecins équivalents temps plein (ETP), accompagnés de 10 ETP secrétaires médicales. Et en 2019 sont ouverts au recrutement 20 postes de médecins supplémentaires. Le nombre de personnel atteint aujourd’hui 41 médecins recrutés pour un total de 32,4 ETP, et 16 secrétaires médicales. Il faut noter que certains médecins sont recrutés en amont pour des prises de postes parfois jusqu’à 1 an après le recrutement. Le nombre de médecins en poste actif atteint actuellement 26,3 ETP, avec outre les médecins recrutés et non encore en poste. Il y a aussi 2 médecins en congés maternité.

b.      Missions

Comme évoqué, les missions des médecins généralistes au sein du centre de santé départemental sont variées. Outre les consultations de médecine générale qui représentent 70% de leur activité, 20% du temps médical est alloué aux missions de santé liées aux compétences du département, missions de diverses natures en fonction des souhaits et des compétences de chaque médecin généraliste :

  • Missions pour la maison des personnes handicapées (MDPH) avec participation aux commissions d’évaluation des dossiers (secteur enfant et adulte).
  • Validation de groupes iso ressources (GIR) au sein des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
  • Consultations pour la protection maternelle et infantile (PMI).
  • Elaboration des bilans de santé et suivi des enfants confiés en famille d’accueil.

Concrètement à ce jour sont effectuées par les médecins du centre départemental:

– Consultations en Protection maternelle et infantile :

– ½ journée par semaine à Autun.

– 1 journée par mois à Montceau-les-Mines.

– 1 journée par mois à Montchanin.

– 2 journées par mois au Creusot.

– 1 journée et demie par mois à Digoin.

– Participation aux équipes pluridisciplinaires MDPH :

– 2 jours par mois sur le secteur enfants à Chalon sur Saône.

– 1 jour par mois sur le secteur adultes à Chalon sur Saône.

– 2 jours par mois sur le secteur adultes de Mâcon.

– Réalisation des bilans de santé périodiques des enfants confiés, avec déploiement effectif sur le territoire d’action sociale de Chalon sur Saône depuis début février :

– 2 demi-journées par semaine avec 60 enfants vus à la fin mai 2019.

– Réflexion en cours sur le territoire de Montceau les mines.

– Réalisation des consultations auprès des mineurs non accompagnés (migrants):

– Déploiement sur Mâcon avec 1 heure de plage de consultations dédiées 3 fois par semaine.

Enfin, 10% du temps de travail est alloué à la formation et à la coordination. Ce qui inclue la participation aux réunions de concertation médicales, avec partage et analyse des pratiques. Ces réunions ont aussi pour but d’harmoniser les bonnes pratiques via la rédaction de protocoles uniformisés disponibles pour tous via le logiciel médical.

A noter que chaque médecin exerçant au centre de santé départemental est soumis à signature d’une charte éthique. Cette dernière a été élaborée par l’association « la fabrique des centres de santé » (29) qui a pour but de venir en aide aux porteurs de projet de création de centres de santé. Cette charte (Annexe : Charte éthique des centres de santé) comprend 6 engagements principaux :

  • Faciliter l’accès aux soins pour tous via application du tiers payant, accessibilité des locaux, plages horaires larges adaptées à tous, soins non programmés, participation à la permanence des soins.
  • Pratiquer des soins sans but lucratif via le respect des tarifs opposables, sans compléments d’honoraires, salariat des professionnels de santé.
  • Assurer des soins de qualité en bénéficiant de la formation continue, analyse des pratiques, démarche qualité, durée des consultations adaptée, actions de prévention.
  • Organiser la concertation entre les différents professionnels de santé autour du patient via mutualisation des dossiers médicaux, utilisation du dossier médical partagé (DMP), utilisation de la messagerie sécurisée, coordination médicale.
  • Placer le patient au cœur du parcours de soins en l’informant au mieux, et en restant à son écoute.
  • Participation à l’organisation territoriale des soins ambulatoires via une représentation au sein des institutions locales, et un travail en réseau en lien avec les structures de soin locales.

La fiche de poste détaillée des médecins généralistes est présentée dans l’Annexe : Fiche de poste des médecins généralistes du centre de santé départemental de Saône et Loire.

c.      Formation continue

Tous les médecins généralistes du centre départemental bénéficient de la formation continue, et tous les ans un plan de formation propre au centre de santé leur est proposé. Ils bénéficient ainsi du développent personnel continu (DPC) qui leur permet de suivre des programmes de formation pendant le temps habituel de travail, ce qui constitue un avantage certain par rapport aux confrères libéraux.

Comme pour les médecins libéraux, les médecins salariés du centre de santé départemental doivent participer à 2 cessions de DPC par périodes de 3 ans. Le DPC au sein du centre est géré par la fédération nationale de formation continue et d’évaluation des pratiques professionnelles des centres de santé (FNFCEPPCS).

De plus, les médecins peuvent bénéficier de cessions de formation médicale continue (FMC), et des groupes d’échange de pratiques entre pairs au sein des différents centres de santé territoriaux, mais aussi avec les médecins libéraux à proximité.

Et comme précisé précédemment, le tout est bien inclus dans les derniers 10% du temps de travail des médecins généralistes du centre de santé départemental.

3.     Centres de santé territoriaux et antennes

Les centres de santé territoriaux sont implantés dans des communes considérées comme des pôles de services d’un bassin de vie (selon définition de l’INSEE). Ils regroupent médecins généralistes et personnels administratifs. Les consultations ont lieu sur une amplitude de 8h à 20h. Et contrairement aux antennes, les centres de santé territoriaux sont pensés comme des structures pérennes.

Dans chaque centre de santé territorial sont prévus à terme 7 à 8 médecins généralistes ETP avec 3 secrétaires ETP.

Les antennes sont définies par l’arrêté du 27 février 2018 relatif aux centres de santé (30), ce sont des structures déployées à partir des centres territoriaux eux même, et qui ont vocation à palier un déficit de médecins généralistes au niveau des communes très sous dotées en offre de soin. C’est une structure de proximité favorisant l’accès aux soins pour les populations les moins mobiles. Les amplitudes horaires des antennes n’ont pas à se conformer aux grandes plages horaires des centres territoriaux, les horaires d’ouverture y sont souvent plus restreints. En cas d’installation d’un médecin libéral au sein d’un bassin disposant d’une antenne, cette dernière a vocation à être relocalisée dans une autre zone sous dotée. Enfin les antennes fonctionnent sans secrétariat physique.

4.     Système d’information

a.      Généralités

Le centre départemental de santé exploite la solution Aacteur, fournie par l’éditeur Aatlantide. Il s’agit d’une application de type « software as a service » (SaaS) c’est-à-dire, une solution où le logiciel et les serveurs de traitement et stockage des données (Aatlantide dispose de l’agrément ministériel d’Hébergeur de Données de Santé à Caractère Personnel) sont délocalisés à 100% en ligne. Autrement dit du « cloud computing » avec un accès via navigateur internet pour les utilisateurs. Une solution largement privilégiée par les structures médicales et paramédicales depuis quelques années pour la commodité d’utilisation quotidienne, sans nécessité de connaissance informatique poussée, ni maintenance locale importante (31).

Le logiciel Aacteur est adapté et dédié aux centres de santé, y compris multi sites (Aatlantide dispose de l’agrément SESAM-vitale CDC 1.40 – Addendum 7 pour la gestion multi-sites). Il permet la gestion administrative et médicale du centre de santé grâce à 2 applications interconnectées :

– Service Acteurfse pour la gestion administrative complète, facturation et télétransmission SESAM-Vitale.

– Service Acteurdm pour la gestion du dossier médical.

Les avantages du logiciel :

  • Solution pluri-professionnelle pour un partage de l’information.
  • Les données administratives et médicales sont accessibles en multiposte et en multi-site via navigateur internet.
  • SaaS : aucune opération de maintenance serveur de la part du centre de santé.
  • Mises à jour réalisées par le prestataire et sauvegardes automatisées.
  • Sécurité agréée : l’accès et les échanges sont hautement sécurisés et cryptés.
  • Label de l’agence de système d’information partagée de la sante (ASIP) qui ouvre aussi droit à rémunérations forfaitaires via l’accord cadre national.

b.      Label de l’agence de système d’information partagée de la sante

Le ministère de la Santé a mis en place le label « e-santé Logiciel Maisons et Centres de santé » géré par l’ASIP afin d’aider les centres de santé à identifier les solutions logicielles adaptées à leurs besoins. La délivrance du label s’appuie sur la conformité du logiciel à un corpus d’exigences fonctionnelles, et exigences issues du cadre législatif et réglementaire. Aatlantide est un des premiers éditeurs à disposer du label à un niveau avancé depuis 2017.

On précisera ici que le système d’information du centre de santé départemental mobilise de gros besoins en temps humain. A noter que ce besoin avait totalement été sous-évalué au départ du projet. Mais devant l’ampleur du travail, il a fallu recruter un technicien à temps complet. Et un médecin officiel en tant qu’administrateur informatique pour tous les centres territoriaux à raison de 4h par semaine.

5.     Financement

a.      Généralités

Le centre de santé départemental, comme son nom l’indique, est géré et financé par le département de Saône et Loire, le tout sous forme de régie autonome (mais sans personne morale). Il dispose donc d’un budget annexe qui lui est spécifiquement alloué.

Le centre de santé possède ainsi son financement propre grâce auquel il finance les équipes. En contrepartie, les communes accueillant les centres territoriaux et leurs antennes mettent à disposition des moyens : locaux, réseaux, entretien, équipement matériel et technique…

Le cinquième principe fondateur du centre de santé est celui d’équilibre financier. Le centre devra donc à terme fonctionner sur ses ressources propres uniquement, et sans but lucratif. Les recettes générées par les actes dispensés par les médecins salariés du centre de santé constituent la ressource de financement principale.

Ces ressources sont régies par l’accord national du 5 juillet 2015 entre l’assurance maladie et les organisations représentatives des gestionnaires de centres de santé (32). Il permet au CSD71, comme à tout autre centre de santé, de bénéficier de la rémunération à l’acte, mais aussi de financements complémentaires de l’assurance maladie (aides à l’installation, rémunérations forfaitaires). Il est important de mentionner cet accord cadre national (Annexe : Accord cadre national des centre de santé – avenant 1) car il constitue une part de revenus non négligeables jusqu’à un montant de 65000€ par an et par centre territorial si tous les critères sont remplis (amplitudes horaires, coordination, informatisation labélisée, actions de prévention, formation d’étudiants, etc…)

Enfin le centre pourra également bénéficier de financements extérieurs (collectivités territoriales, région, etc…).

b.      Analyse des premières données financières

     iii.          Phases 1 et 2 en 2018

Le CSD71 nous a permis de bénéficier des premières données financières globales à sa disposition. Le Tableau 2 nous présente le budget prévisionnel sommaire présenté pour la création du centre de santé en septembre 2017, alors que le Tableau 3 nous présente le budget effectivement réalisé à l’issue des phases 1 et 2 fin 2018.

Tableau 2. Budget prévisionnel du déploiement du centre de santé départemental. Source: rapport au conseil départemental de Saône et Loire, réunion n°205 du 21 septembre 2017.

Dépenses Recettes
Personnel :

15 ETP médecins : 15 x 100000€

6,5 ETP Administratifs : 6,5 x 40000€

1 directeur : 75000€

Actes (sur une base de 3,6 par heure) pour 15 ETP médecins: 58464 x 25€ = 1461600€
Achats : 25000€ Subventions CPAM (prévention, activité zones déficitaires) : 150000€
Services extérieurs (locations, maintenance) : 200000€ Subventions ARS : 100000€
Amortissements : 10000€ Prêt de locaux et participation des communes : 100000€
Gestion tiers payant : 50000€ Missions de santé départementales : 309000€
TOTAL dépenses: 2 120 000€ TOTAL recettes : 2 120 000€

 

Tableau 3. Budget effectif des phases 1 et 2 du déploiement du centre de santé départemental en 2018. (Source CSD71)

Dépenses Recettes
Personnel :

Médecins, administratifs et directeur : 1580000€

Actes : 22000 x 25€ = 550000€
Achats informatiques : 170000€ Subventions CPAM (prévention, activité zones déficitaires) : 500000€
Installation et promotion du projet : 180000€ Subventions ARS : 100000€
Fonctionnement : 100000€ Investissement département: 130000€
Report préfiguration 2017 : 100000€ Missions de santé départementales : 310000€
TOTAL dépenses: 2 130 000 € TOTAL recettes : 1 560 000€

 

On constate ainsi que 2,12 millions d’euros avaient été budgétés en 2017 et 2,13 millions d’euros ont effectivement été dépensés en 2018 lors du déploiement effectif, ce qui est en parfaite concordance avec les objectifs de dépenses.

En revanche la ventilation des dépenses n’a pas eu lieu comme prévu puisque les dépenses en ressources humaines sont inférieures de 300000€ à ce qui était prévu. Cette différence est la conséquence de la difficulté à recruter des médecins, et il a donc manqué des recrutements de médecins sur 2018 par rapport à ce qui était prévu en 2017. D’autre part, les achats et les frais d’installation ont été plus importants que prévu.

Concernant les recettes sur 2018, elles étaient prévues, selon le principe d’équilibre financier, à 2,12 millions d’euros. Le Tableau 3 montre des recettes à 1,53 millions d’euros, soit un déficit de 590 000 € sur l’année 2018 (à noter qu’il inclue le déficit de préfiguration de 2017).

Si l’on examine les chiffres un peu plus finement, on constate que l’ARS a honoré sa subvention de 100000€ comme prévu. Que les missions départementales ont bien été effectuées et ont rapporté 310000€ comme prévu bien que l’effectif médical était inférieur aux prévisions. Le point positif est représenté par les subventions de la CPAM qui ont été supérieures aux prévisions générant ainsi un excédent de 350000€. Ce surplus correspondant aux aides à l’installation touchées par le centre pour l’installation des médecins en zones sous dotées. Ces aides potentielles n’avaient pas été anticipées dans le budget prévisionnel.

En revanche, le gros point de déficit concerne les consultations médicales qui sont 38% en deçà de ce qui était prévu, occasionnant ainsi un déficit de près d’1 million d’euros par rapport aux attentes du projet de 2017. En effet, seules 22000 consultations ont été réalisées au lieu de 58000 prévues dans le projet 2017. Le budget très théorique établi en 2017 l’avait été sur la base de médecins sur une année pleine. Le prévisionnel n’était donc pas bon car la mise en route s’est faite de manière progressive avec un fonctionnement non optimal au départ et des difficultés de recrutement. Car, comme nous l’avons vu, il manquait des médecins. Avec 8 médecins ETP actifs fin 2018 contre 15 prévus dans le projet.

D’autre part, les cadences prévues de 3,6 consultations par heure n’ont pas été réalisables dans la réalité, chaque médecin ayant réalisé 3000 consultations en moyenne au lieu des 3800 environ attendues. Cela est probablement dû à la phase de démarrage du centre qui n’a pas permis d’être à cadence optimale dès le départ. Mais aussi, à un objectif initial trop optimiste, compte tenu des missions départementales surajoutées, des temps de trajet inclus dans le temps de travail, et du temps alloué aux missions annexes (coordination, informatique, administratif, formation…) réalisées par les médecins du centre de santé départemental.

     iv.          Phase 3 : premières données pour 2019

Le CSD71 nous permet également de disposer des premiers chiffres sur l’année 2019 qui sont présentés dans le Tableau 4.

Tableau 4. Dépenses et recettes prévisionnelles pour l’année 2019, ainsi que dépenses et recettes effectives au 31 mai 2019. Source: CSD71.

Dépenses (en million d’€) Votées pour l’année 2019 Au 31 mai 2019
FONCTIONNEMENT Personnel 4,32 1,49
Fonctionnement du CSD 0,19 0,07
Fonctionnement des CST 0,16 0,03
Total 4,67 1,59
INVESTISSEMENT 0,19 0,09
Recettes (en millions d’€) Prévues pour l’année 2019 Encaissées au 31 mai 2019
FONCTIONNEMENT Actes 3,437 0,47
CPAM :

    • ROSP
    • Accord Cadre
    • Médecins traitants
    • Contrat de solidarité territoriale
1,547 0,05
Autres :

    • DPC
    • Département
0,6 0,00297
Total (en millions d’€) 5,584 0,522

 

On constate que comme attendu, les ressources humaines sont le plus gros poste de dépenses, et ce de très loin avec 92% des dépenses prévues. Au 31 mai ces dépenses sont bien gérées puisque légèrement en deçà des prévisions avec une somme de 1,49 millions d’euros contre 4,32 x 5 /12 = 1,8 millions d’euros budgétisés jusqu’au 31 mai. Il est intéressant de constater que par rapport à 2018, les dépenses de personnel sont en forte augmentation car environ multipliées par 3 (augmentation de 273%). Cela témoigne de recrutements et ainsi d’un déploiement intense du centre de santé sur l’année 2019. Le centre dispose en effet en mai 2019 de 28,3 ETP médecins généralistes (dont 26,3 ETP actifs du fait de congés maternité). A noter enfin que les frais de fonctionnement sont très réduits, ce qui est rendu possible par la participation des communes candidates, via en particulier la mise à disposition de locaux et de matériel.

Concernant les recettes maintenant, ces dernières sont prévues pour 2019 à 5,6 millions d’euros environ soit 3,5 fois plus importantes que les prévisions 2018 ce qui en en cohérence avec les objectifs de dépenses en ressources humaines, et donc avec les objectifs de déploiement de la phase 3. Soit 50 médecins généralistes ETP recrutés contre 15 initialement prévus fin 2018. A noter cependant que les recrutements, toujours difficiles, ne permettront probablement pas d’atteindre les 50 médecins fin 2019.

En revanche, alors que fin mai 2019 les recettes devraient avoisiner les 2,3 millions d’euros, ces dernières ne sont que de 522000 euros. Une analyse plus détaillée montre que quasiment aucune recette de la CPAM n’a encore eu lieu. Le centre de santé semble donc avoir les mêmes problèmes de paiement, en particulier des ROSP et autres primes liées à l’accord cadre (Annexe : Accord cadre national des centre de santé – avenant 1), que les médecins libéraux. Néanmoins, ces financements devront tout de même arriver en trésorerie sur l’année 2019. De la même manière, on constate que les recettes liées au DPC et aux missions départementales n’ont pas encore été touchées fin mai 2019.

Ces premiers chiffres montrent en tout cas qu’une capacité de financement importante est nécessaire pour le fonctionnement du centre, de par la dépendance aux financements publics différés. Dans le cas du centre de santé, cela ne pose pas de problème car son budget bien qu’indépendant est rattaché à la trésorerie globale du département qui est d’environ 600 millions d’euros par an. Il n’y a donc pas de difficultés de fond de roulement.

Au 31 mai 2019, les recettes liées aux consultations médicales devraient s’élever à 1,432 millions d’euros pour être en cohérence avec les prévisions. Ces dernières ne sont que de 0,47 millions d’euros, soit près d’1 million d’euros en deçà des attentes. 470000€ correspondent à environ 17000 consultations effectuées par 26,3 ETP médecins. Les consultations représentant 70% du temps médical, on peut ainsi calculer que chaque médecin a effectué 17000 / 26,3 soit 650 consultations par médecin environ au 31 mai 2019. Annualisé cela correspond à 1500 consultations par ETP médecin environ, ce qui encore loin des 3800 consultations espérées dans le budget prévisionnel de 2017.

Il est intéressant de ramener ce nombre aux 48 semaines travaillées. On constate ainsi que chaque médecin effectue en moyenne 32 consultations par semaine, soit moins de 11 par journée de 8h (en prenant bien en compte que seul 70% du temps de travail est dédié aux consultations médicales). Chiffre faible en regard des 3,6 consultations par heure espérées au départ, et pour lequel des éléments de réponse ont été amenés par le centre départemental :

  • Le temps de déplacement des médecins salariés est inclus dans le temps de travail générant de nombreuses heures de temps médical perdu. En effet, le système d’antennes génère, sur certains territoires, des temps de déplacement importants du fait de la topographie départementale. D’autre part, afin de pallier au sous-effectif de certains centres territoriaux, comme celui de Digoin par exemple, il a fallu dépêcher des médecins du centre de Montceau les mines, ou de Chalon sur Saône, ce qui a coûté de nombreuses heures de temps médical.
  • Le CSD71 s’est aussi trouvé face à un phénomène inattendu : l’accueil de nombreux patients poly pathologiques issus des territoires sanitaires le plus fragiles, ces derniers parfois sans médecin traitant depuis plusieurs années ont abondé au CSD71. Patients avec des dossiers complexes nécessitant plus de temps à chaque consultation, et demandant plus de visites à domicile chronophages.
  • Comme les médecins libéraux, les médecins salariés se sont trouvés face à une perte de temps médical pour raisons administratives. Il a donc été nécessaire de dégager du temps administratif supplémentaire. De même, les missions supplémentaires nécessaires au fonctionnement du centre et de ses antennes viennent amputer du temps médical (coordination, informatique, logistique, sécurité, etc…)
  • Enfin il y a eu du temps médical non pourvu du fait d’arrêts maladie, maternité, etc

Nous avons donc des recettes à 522000 € au 31 mai 2019 alors qu’elles devraient s’établir à 5,584 x 5 / 12 = 2,327 millions d’euros. Nous sommes donc loin des objectifs. Mais comme nous l’avons vu, ce chiffre est à relativiser du fait de nombreuses recettes rétroactives liées au paiement à la performance par la CPAM. Concernant les près d’1 million d’euros de perte liés aux consultations médicales de l’aveu même du directeur du centre départemental, des choix de rationalisation seront à faire dès l’été 2019, afin de trouver un modèle économique viable.

A la présentation du projet, il fallait trouver comment équilibrer le budget avec des estimations plus ou moins précises des dépenses et recettes, expliquant des objectifs parfois difficilement tenables, mais aussi des recettes inattendues constatées. Le but premier du centre est de répondre à un besoin : attirer des médecins pour répondre aux besoins de santé des populations. Une fois le concept de centre de santé départemental approuvé, le choix d’un développement intensif sur toute la Saône et Loire a été fait. L’étape suivante sera de raisonner financièrement le projet, afin de lui donner les moyens de perdurer. Une question pourrait néanmoins se poser au conseil départemental de Saône et Loire : combien sommes-nous prêts à financer une couverture médicale optimale de la population du département ?

6.     Relation avec la médecine libérale

Il est intéressant de constater sur le terrain les relativement bonnes relations entre la médecine libérale de ville et les centres territoriaux. Bonnes relations certainement du fait de la démarche non intrusive de l’installation des centres et antennes territoriales. En effet, dès la conception, le but n’était pas d’interférer avec les acteurs locaux déjà en place, mais bien de combler une absence ou compléter une offre médicale insuffisante sur un territoire donné. Les centres territoriaux n’ont pas vocation à se substituer à la médecine libérale classique. Dès le départ était prévue une grande plasticité du système avec la fermeture possible d’antennes ou de centres eux même si des projets d’installations libérales venaient à améliorer la démographie médicale d’un territoire donné. Aucune situation de concurrence ne doit être générée.

Une meilleure communication de la part du centre de santé a permis de lever les interrogations initiales des confrères libéraux. La participation à la continuité et à la permanence des soins, tout comme les médecins libéraux, a permis une bonne implantation du centre dans le paysage médical des différents territoires en accord avec le conseil départemental de l’ordre des médecins.

   VI.          Impact sur la démographie médicale

La Figure 14 nous apprend qu’entre 2017 et 2018 le nombre de médecins généralistes en Saône et Loire a poursuivi sa décroissance en diminuant de 1,06%. En 2017, l’ordre des médecins nous apprends que la Saône et Loire comptait 425 médecins généralistes libéraux en activité. L’arrivée du centre départemental a-t-elle eu un réel effet sur la démographie médicale et l’accès aux soins dans le département ? C’est la question à laquelle nous allons maintenant tenter d’apporter des éléments de réponse.

Figure 14. Variation des effectifs de médecins généralistes en fonction des régions entre 2017 et 2018 (33).

1.     Les médecins

Fin 2019, le centre de santé départemental comptera 41 médecins exerçants au sein des différents centres de santé territoriaux et leurs antennes, à temps plein ou à temps partiel, le tout pour un total de 32,4 ETP, soit environ 80% de temps plein (ETP) par médecin.

Un des premiers médecins recruté par le centre départemental déclarait: « Pour moi qui souhaitait arrêter mon activité dans 1 ou 2 ans à cause du rythme très soutenu de l’activité libérale, choisir le salariat va me permettre de la prolonger ! ». Mais outre le maintien prolongé d’activité chez des médecins généralistes proches de la retraite, le centre de santé départemental de Saône et Loire a t’il su attirer de nouveaux médecins en Saône et Loire?

L’âge des médecins du centre départemental oscille de 28 à 72 ans, avec une moyenne d’âge globale à 52,5 ans, soit bien inférieure à la moyenne de tous les médecins généralistes en Saône et Loire qui est de 57 ans (4). Il semble donc que le mode d’exercice au sein du centre de santé ait su attirer de jeunes médecins.

Mais afin d’évaluer l’impact du centre départemental sur la démographie médicale, il faut se demander si ces médecins auraient pu être en exercice en Saône et Loire sans l’existence du CSD71 ?

Nous pourrons répondre en partie à cette question en examinant la provenance et les lieux d’exercice des médecins recrutés par le centre départemental avant leur arrivée en Saône et Loire. Ces données sont présentées sur le Figure 15.

Figure 15. Provenance des médecins généralistes exerçants au centre de santé département (données de juin 2019) (CSD71).

On constate que seuls 34% des médecins recrutés sont originaires de Saône et Loire. Pour ces médecins, on peut se demander : se seraient-ils installés s’il n’y avait pas eu le CSD71 ? Seraient-ils partis dans un autre département ? Le fait est que, grâce au centre départemental, ils sont bien en exercice dans le département.

Ensuite, concernant la Bourgogne, seul 1 autre médecin est originaire de Côte d’or (représentant 2% du total) et était donc de la région avant d’intégrer le centre.

Concernant les départements limitrophes nous avons 17% des médecins du CSD71 qui sont issus de ces derniers. En particulier du Rhône qui est le second pourvoyeur de médecin du centre départemental. Il est ainsi intéressant de constater que le centre départemental a su, et pas seulement sur l’antenne de Mâcon la plus proche du Rhône, attirer des médecins à distance du territoire d’attractivité que représente Lyon.

On a donc 46% des médecins qui ne proviennent ni de Bourgogne, ni d’un département limitrophe à la Saône et Loire, ce qui représente la plus grande part des praticiens recrutés. Cela montre ainsi l’attractivité du centre départemental pour les médecins généralistes, et ce à l’échelle nationale.

L’exercice salarié a probablement joué un rôle important sur ces recrutements. En effet, les médecins ont une tendance de plus en plus affirmée à opter pour celui-ci. C’est le mode d’exercice choisi par 47% d’entre eux aujourd’hui, contre 42% en 2010. Alors que la proportion de médecins libéraux a suivi le chemin inverse, passant de 47% à 42% sur la même période. (8)

Fin 2019, le centre départemental aura permis d’installer 41 médecins dont 27 non originaires de Saône et Loire, et dont 19 ne provenaient pas de départements limitrophes. Il est donc indéniable qu’il y a eu un effet significatif de la création du centre sur la démographie médicale de Saône et Loire.

On peut commencer à mesurer ces effets à partir des chiffres fournis par l’ordre des médecins sur la Figure 16. Cette dernière présente le nombre d’installations de médecins généralistes en Saône et Loire depuis presque 10 ans. Le calcul des courbes de tendances nous montre que jusqu’à 2017, il y avait en moyenne 3,4 installations supplémentaires par an, alors qu’à partir de 2018, on a 11,5 installations de plus par an en moyenne, soit une accélération de plus de 330% du nombre d’installations annuelles dans le département. Résultats cohérent avec les données précédemment examinées.

Figure 16. Nombre annuel d’installations de médecins généralistes en Saône et Loire depuis 2010 (Source CDOM71 et CSD71).

Le centre a permis le maintien d’activité de quelques médecins en fin de carrière, il a permis une installation effective et rapide de jeunes médecins aux attaches locales. Il a aussi contribué à recruter des praticiens d’autres régions de France.

Dans l’hypothèse la plus pessimiste, ce sont 19 médecins originaires de départements éloignés qui se sont installés grâce au CSD71 soit au niveau du département un gain de 5% du nombre total de médecins généralistes en 1 an et demi, alors que l’on perdait jusqu’alors 1% par an. Dans l’hypothèse la plus optimiste (départements limitrophes compris), ce sont près de 10% d’augmentation qui seraient liés à l’implantation du centre et de ses antennes.

Nous avons donc vu qu’il est indéniable que la création et le déploiement du centre de santé départemental a permis d’augmenter le nombre d’installations de nouveaux médecins généralistes sur le département. Et outre cette augmentation de la démographie médicale, c’est également la localisation de ces nouveaux médecins qui est intéressante, car elle a pour but de coller aux besoins des populations. C’est ce que nous allons voir maintenant en étudiant les différents types de consultations réalisées sur les territoires de Saône et Loire.

2.     Consultations réalisées à l’échelle départementale

La Figure 17 présente le nombre de consultations réalisées lors de la phase 1 et 2 en 2018 puis, lors de la phase 3 avec une extrapolation sur l’année 2019 à partir des données disponibles au 31 mai 2019. A noter que les extrapolations réalisées n’ont pas une vocation prédictive sur l’évolution 2019, mais ont pour but de pouvoir étudier, comparativement aux valeurs de 2018, les valeurs du début de l’année 2019.

Figure 17. Nombre de consultations médicales réalisées en 2018 sur les différents centres de santé territoriaux et antennes du département. Données au 31 mai 2019 et extrapolation sur toute l’année 2019. (Source CSD71).

Tous centres de santé territoriaux confondus, l’extrapolation du nombre de consultations sur 2019 avec les données disponibles au 31 mai 2019 montre un fort succès des visites à domiciles qui devraient tripler cette année, ce qui est au-delà du doublement de l’effectif médical.

Les consultations non programmées sont définies comme des plages de consultations d’urgences relatives, ouvertes uniquement le matin même, en accord avec le principe de continuité des soins, et inscrites dans l’accord cadre national. Elles devraient aussi bien progresser avec plus d’un doublement, pour les porter à 12000 en 2019.

En revanche, on note une très faible progression du nombre de consultations programmées alors que l’on s’attendrait au moins à un doublement. Cela pourrait être expliqué par un taux d’occupation insuffisant de certains centres de santé territoriaux et en particulier des antennes sur le début de l’année 2019. Phénomène particulièrement prégnant au niveau des nouvelles ouvertures liées à la phase 3 du déploiement du centre. Nous étudierons donc par la suite ces taux d’occupation.

Il est aussi intéressant de noter que le nombre de consultations non programmées est en hausse puisqu’il représente 43% des consultations attendues en 2019, alors qu’il ne représentait que 23% des consultations en 2018. Ce quasi doublement des consultations non programmées témoigne de l’importance et de l’utilité de centre départemental dans la permanence des soins.

Enfin les visites à domicile représentent la plus forte progression avec 5,6% des consultations en 2019 alors qu’elles n’en représentaient que 1,8% en 2018. Ce qui témoigne d’une forte utilisation des ressources du centre départemental par les personnes à mobilité réduite. En ce sens, l’objectif d’amélioration de l’accès aux soins par le centre de santé est pleinement atteint.

Au total en 2019, le centre départemental devrait avoisiner les 41000 consultations réalisées ce qui est proportionnellement en deçà des performances de l’année 2018 au regard de l’augmentation du nombre de médecins. En revanche, ce chiffre sera probablement un peu supérieur aux extrapolations réalisées du fait de la montée en puissance des nouveaux centres de santé territoriaux. Mais la tendance est là, et on pourrait expliquer ce déclin de performances par l’augmentation du nombre de visites à domiciles et consultations non programmées qui ont tendance à être plus chronophages, en particulier pour les visites à domicile qui le sont beaucoup plus.

Il est intéressant de comparer ces chiffres à ceux de la médecine libérale. Des études déclaratives réalisées auprès de médecins généralistes en 2017 et 2019 convergent pour donner un nombre moyen de 22 consultations réalisées par jour, pour un total annuel moyen de 5000 consultations par médecin généraliste. Le tout avec un temps de travail de 50h hebdomadaires tout compris (34,35). Si l’on compare avec les données du centre de santé départemental, on constate que 41000/26,3 nous donnent environ 1500 consultations réalisées par an par ETP de 35h hebdomadaires au total. Les libéraux travaillent ainsi 50/35=1,4 fois plus longtemps que les médecins salariés, et voient 5000/1500 soit 3,3 fois plus de patients que ces derniers à l’année.

On peut émettre des hypothèses pour expliquer ces chiffres : à nouveau, les temps de trajets inclus dans le temps de travail des médecins salariés avec parfois des trajets longs jusqu’aux antennes les plus isolées ont indéniablement eu un impact en amputant le temps dédié aux consultations. On insistera aussi sur le nombre important de patients poly pathologiques, nécessitant des consultations très longues et complexes, qui consomment beaucoup de temps médical. D’autre part la phase de lancement du centre a nécessité des consultations plus longues de rencontre avec les nouveaux patients, et l’étude approfondie des dossiers complexes. Le ratio devrait ainsi devenir plus favorable à mesure de la stabilisation de la patientèle du CSD71.

Enfin, la Figure 17 montre aussi qu’en 2018 les 15 ETP médecins ont effectué 4700 déclarations médecin traitant sur l’année soit un peu plus de 300 par ETP. Et que fin 2019 les 32 ETP devraient engranger 9300 déclarations, soit 290 déclarations médecins traitant par ETP à minima, chiffre globalement stable donc.

Voyons maintenant ces chiffres de manière plus précise à l’échelle des localités pour en dégager les spécificités.

3.     Consultations et taux de remplissage à l’échelle des localités

        i.          Déclarations médecin traitant

Afin de mieux comprendre les mécanismes en jeu, il est maintenant intéressant d’étudier les chiffres au sein des différents centres de santé territoriaux.

Figure 18. Nombre de nouvelles déclarations médecin traitant en 2018 et 2019 (selon extrapolation à partir des données disponibles le 31 mai 2019). (Source CSD71).

La Figure 18 nous montre que dans tous les territoires où est implanté le centre de santé départemental, les patients ont adhéré au système et souvent demandé à un médecin du centre de devenir leur médecin traitant. Cela est particulièrement flagrant au niveau du centre territorial de Montceau les mines où 34% des consultations ont débouché sur une déclaration de médecin traitant en 2018, et 60% des consultations devraient déboucher sur une déclaration de médecin traitant en 2019 (Figure 19). Ces statistiques sont confirmées sur le terrain car la majorité des patients consultant ce centre territorial ont fait une demande de déclaration de médecin traitant.

Figure 19. Pourcentage de consultations débouchant sur une demande de déclaration de médecin traitant en 2018 et 2019 (selon extrapolation des données disponibles au 31 mai 2019). (Source CDS71).

Ce ratio nombre de consultation / déclarations médecin traitant (Figure 19) est un indicateur intéressant du mode de consommation des soins au sein des différents centres de santé territoriaux. En effet on peut interpréter le taux élevé du bassin de vie Montcellien comme une demande importante de suivi médical de la part de population régulièrement consommatrice de soin comme les personnes âgées, et ce en absence d’offre médicale suffisante. En effet il est plus important pour une personne âgée d’avoir un médecin traitant pouvant effectuer un suivi médical régulier. On peut aussi penser par exemple au départ en retraite de médecins du bassin qui obligeraient les patients à trouver un nouveau médecin traitant auprès du centre de santé départemental.

A contrario, sur le centre Digoin, le taux de déclarations médecin traitant est le plus faible. Cela peut être expliqué par un roulement important des médecins au départ de ce centre territorial, via les renforts de Montceau les mines et Chalon sur Saône en attendant les recrutements et la stabilisation de l’équipe médicale. Ce roulement n’a probablement pas incité à la fidélisation de la patientèle générant moins de demandes de médecin traitant. De plus, il semblerait que les patients du centre de Digoin le considèrent surtout comme un second recours du fait de 2 à 3 mois d’attente pour avoir un rendez-vous chez les médecins libéraux du secteur.

      ii.          Nombre de consultations

Si l’on s’intéresse maintenant aux consultations effectuées au sein des centres territoriaux et de leurs antennes, la Figure 20 montre que pour les centres de santé territoriaux déployés le plus tôt (Digoin, Autun, Montceau les mines) le nombre de consultations devrait être stable en 2019. On explique cela par le succès immédiat de ces centres de santé territoriaux et antennes qui les a rapidement amené à saturation ou presque. C’est ce que nous verrons par la suite sur la Figure 21. Les axes qui pourraient permettre d’augmenter le taux de consultations au sein de ces centres de santé territoriaux seraient une majoration du nombre d’antennes, et surtout de médecins pour toucher plus de patients à proximité sur les territoires les plus isolés. Le recrutement des médecins généralistes est encore un point clé de l’expansion du centre de santé départemental de Saône et Loire.

Figure 20. Evolution du nombre de consultations au sein des différents centres de santé territoriaux et de leurs antennes entre 2018 et 2019. (Source CSD71).

Le comblement rapide des capacités d’accueil des différents centres de santé territoriaux dès leur ouverture est bien visualisé au niveau des données concernant le centre territorial de Chalon sur Saône. Sa montée en charge s’est faite à cheval entre les années 2018 et 2019. On voit bien la progression du nombre de consultations, avec plus de 100% de consultations supplémentaires qui seront réalisées en 2019 (Figure 20). Tout en notant que le centre territorial de Chalon sur Saône est en cours d’extension avec la création de 2 nouveaux cabinets de consultations et l’installation d’une infirmière ASALEE prévue en octobre 2019.

     iii.          Activité et taux de remplissage des différents centres territoriaux et de leurs antennes.

Le taux de remplissage, ou taux d’occupation, d’un centre territorial sert à définir son niveau d’activité. Il correspond au nombre de plages de consultations pourvues par rapport au nombre de plages de consultations disponibles.

Comme évoqué précédemment, on constate sur la Figure 21 que, bien que le centre de Digoin ne soit ouvert que depuis février 2018, en septembre 2018 son taux d’occupation était déjà près de 90%. A noter qu’en avril 2019, le taux d’occupation est passé pour la première fois en dessous de 70%, ce qui pourrait être expliqué par l’installation d’un nouveau médecin libéral dans la région à cette période.

Figure 21. Taux d’occupation du centre territorial de Digoin et de ces antennes au cours du temps. (Source CSD71).

L’antenne de Saint Christophe en Brionnais ouverte fin septembre 2018 comptait en octobre près de 40% de taux d’occupation, avec un pic hivernal à 50%, avant de se stabiliser autour de 30%. On constate que les antennes présentent globalement toutes des taux de remplissage inférieurs aux centres territoriaux, peut-être du fait de la faible démographie des lieux où elles sont implantées. Par exemple, Saint Christophe en Brionnais comptait 520 habitants en 2015. Mais, c’est surtout l’absence de médecins depuis plusieurs années qui explique le faible taux de remplissage à distance de l’ouverture de ces antennes. En effet, il est facile d’imaginer que les patients de ces territoires avaient déjà pris leurs dispositions pour retrouver un médecin traitant avant l’implantation de l’antenne.

Le phénomène semble être commun à tous les centres territoriaux et leurs antennes : la Figure 22 présente les taux d’occupation en région chalonnaise. On constate que ce taux oscille aux alentours de 90% au centre territorial de Chalon sur Saône, alors qu’il est très faible à Mercurey (1177 habitants en 2016 selon l’INSEE) ayant perdu ses derniers médecins il y a longtemps déjà. Mais la présence d’une antenne y est d’autant plus importante et fait partie des missions du centre de santé départemental.

A noter le cas de l’antenne de Montpont (1088 habitants en 2016) ouverte en phase 3, qui est intéressant car présente une augmentation progressive et rapide du taux d’occupation au fur et à mesure des mois. Cela est expliqué par le départ en retraite prévu du médecin généraliste libéral local fin mars 2019. Lequel médecin a partagé ses locaux avec les médecins du centre départemental tout en leur transférant très progressivement sa patientèle. C’est pour cela que l’antenne a été ouverte un peu avant son départ en retraite, et a connu un succès progressif. Le cas de Montpont présente un bel exemple de l’utilité du concept d’antenne déployable au besoin, pour s’adapter en fonction de la démographie médicale locale. Et est également un bel exemple de concertation et de synergie avec la médecine libérale. Grâce au déploiement de cette antenne, les habitants de Montpont ont pu trouver un bon relai au départ de leur ancien médecin généraliste.

On peut aussi s’intéresser à l’antenne de Sagy qui au contraire, a été un succès immédiat dès l’ouverture, et qui ne s’est pas démenti avec des taux d’occupation supérieurs à 90%. Le contexte est similaire à celui de Montpont, avec un départ en retraite du médecin libéral local. En revanche il n’y a pas eu de passage de flambeau progressif, mais une implantation de l’antenne au moment du départ du médecin libéral, ce qui explique la montée en charge immédiate et non progressive comme à Montpont.

Figure 22. Taux d’occupation du centre de santé territorial de Chalon et de ses antennes dans le temps. (Source CSD71).

La Figure 23 montre que le taux d’occupation des différents centres territoriaux est globalement supérieur à 80% et se rapproche même des 100% au centre de Montceau les Mines. Cette figure est aussi intéressante car elle présente le centre de Mâcon qui a ouvert ses portes en janvier 2019 et a rapidement obtenu des taux de remplissages proche de 80%, ce qui confirme à nouveau la forte demande de soins, et ce, pas uniquement dans la ruralité mais aussi dans les centres urbains des plus grandes villes de Saône et Loire.

Figure 23. Taux de remplissage des différents centres de santé territoriaux au cours du temps. (Source CD71).

Si l’on étudie le centre de Mâcon, la Figure 24 montre en effet un bon taux d’occupation, et ce, dès l’ouverture du centre départemental de Mâcon en janvier, dernier centre territorial à ouvrir en phase 3. En cohérence avec ce qui avait été observé à Chalon sur Saône, les centres urbains peuvent aussi avoir grand besoins de médecins généralistes.

Figure 24. Taux d’occupation du centre territorial de Mâcon et de ses antennes en 2019 (source CDS71).

Il est intéressant de constater que l’antenne de Pierreclos présente les moins bons taux de remplissage (avec Mercurey pour le centre territorial de Chalon sur Saône) parmi les antennes déployées. De plus les taux de remplissage y sont en déclin par rapport à l’ouverture, contrairement à ce qui a été observé quasiment partout ailleurs. Le contexte local explique probablement à nouveau ce phénomène. En effet, comme dans le cas de Mercurey, le village de Pierreclos a perdu son dernier médecin généraliste il y a plusieurs années déjà. En revanche, ce dernier exerce toujours avec des confrères dans les villages alentours et les patients ont probablement, pour la plus grande partie, suivi leur médecin traitant à quelques kilomètres seulement de Pierreclos.

La volonté de faire revenir un médecin à Pierreclos était probablement plus politique qu’un besoin absolu comme en témoigne la Figure 25 et la Figure 26. En effet, cette dernière montre que le village de Pierreclos ne fait pas partie des zones d’intervention prioritaires ni complémentaires, contrairement à Mâcon ou la toute nouvelle antenne de Saint Symphorien d’Ancelles qui dépasse déjà l’antenne de Pierreclos en terme de fréquentation.

Figure 25. Banderole installée dans la commune de Pierreclos (source France 2).

Figure 26. Zonage ARS de novembre 2017 de la région mâconnaise (source Cartosanté) (36).

A noter enfin le déclin des taux d’occupation de l’antenne de Pierreclos, passant de plus de 50% en janvier 2019 à moins de 20% en avril 2019. Celui-ci pourrait être expliqué par une communication importante au sujet de cette antenne lors de son ouverture, qui a participé à créer un taux de remplissage important au départ, mais une érosion progressive au fur et à mesure des mois.

Nous avons donc vu à travers des chiffres concrets d’installations de médecins généralistes au cœur des territoires, de nombres de consultations, et de déclarations médecin traitant, comment le centre de santé départemental de Saône et Loire participe à améliorer la démographie médicale, et comment ses centres territoriaux et antennes ont permis d’améliorer l’accès aux soins pour les patients en zones médicalement sous dotées.

 VII.          Axes de développement futurs

1.     Santé numérique

Axe intense de développement de la prise en charge médicale depuis plusieurs années, la santé numérique fait partie de la médecine moderne, et le centre de santé départemental de Saône et Loire entend bien profiter et exploiter toutes les avancées en la matière.

a.      Territoire Innovant Coordonné Santé Social

Le centre de santé départemental a pour vocation de réduire les inégalités, et comme nous l’avons vu, en particulier les inégalités territoriales d’accès aux soins. Le centre de santé départemental souhaite s’inscrire dans la démarche eTICSS (Territoire Innovant Coordonné Santé Social) qui a été initiée en Saône et Loire dans le cadre du programme national Territoire de Soins Numériques. Il s’agit d’un bouquet de services innovants qui permet aux professionnels des secteurs du sanitaire, social et médico-social de mieux coordonner leurs actions face aux situations complexes de leurs patients. Ces services ont pour objectif d’améliorer la qualité de prise en charge, le tout via un dossier patient de coordination numérique.

eTICSS est une plateforme de services numériques qui ont pour but de :

  • Faciliter le partage de l’information entre les acteurs de la santé.
  • Mettre en synergie les professionnels de santé et les professionnels de l’action sociale.
  • Aider au maintien à domicile des patients dépendants.
  • Proposer des solutions concrètes aux problématiques quotidiennes rencontrées par les professionnels de santé.

La Figure 27 montre un déploiement déjà important d’eTICSS en Saône et Loire et le centre de santé départemental à pour projet de s’y investir dans le futur, une fois sa propre structure informatique consolidée.

Figure 27. Déploiement d’eTICSS en Bourgogne Franche Comté (37)

Concrètement les services proposés :

  • Catalogue régional des programmes d’Education Thérapeutique qui permet de demander facilement l’inscription d’un patient dans un programme.
  • Réaliser la conciliation médicamenteuse : identifie et résout les divergences entre les ordonnances de médicaments entre les différents médecins participant à la prise e charge d’un patient.
  • Conseils vaccinaux personnalisés selon les différents profils de patients.
  • Messagerie sécurisée destinée aux professionnels de santé.

Voici quelques situations pour lesquelles les services d’eTICSS seront très pratiques pour aider les praticiens et favoriser une meilleure prise en charge des patients :

  • Organiser la prise en charge d’un patient en situation complexe : établissement d’un plan personnalisé de santé qui vise à évaluer les besoins du patient et les problèmes rencontrés pour fixer les actions à réaliser.
  • Programmer une entrée à l’hôpital : échanges d’informations entre ambulatoire et hospitalier.
  • Programmer la sortie d’hôpital vers le domicile : information des professionnels de ville pour assurer la continuité de la prise en charge.

b.      Télémédecine

L’utilisation de la télémédecine fait partie des axes de développements importants et prévu dès le départ du projet du centre départemental.

5 actes de télémédecine sont aujourd’hui prévus par la loi (23,38): la téléconsultation, la télé expertise, la télésurveillance, la téléassistance médicale et la régulation médicale.

L’utilisation des nouvelles technologies au sein du centre de santé départemental sera en premier lieu à visée de télé expertises, pour recueillir des avis spécialisés, en dermatologie par exemple. Des conventions de partenariat seront signées avec des spécialistes en centres hospitaliers. Le projet est à l’heure actuelle déjà bien avancé puisqu’un partenariat avec l’ARS est engagé avec attribution d’un soutien financier afin de mettre en place une télé expertise en dermatologie et cardiologie.

Sont aussi prévues des téléconsultations en direct en EHPAD afin d’atteindre tous les territoires tout en évitant le déplacement des personnes âgées dépendantes. Le CSD71 prévoit aussi l’utilisation de la télémédecine au sein des antennes grâce à la collaboration d’assistants médicaux ou d’infirmiers sur place. Cela pourrait permettre par exemple d’augmenter les amplitudes horaires des antennes de manière aisée, tout en gagnant du temps médical. Ce projet est encore au stade de la réflexion et fait partie des axes de développement à plus long terme.

Enfin la télésurveillance a été imaginée dès les prémices du projet, mais aucune action n’a encore été menée en ce sens.

2.     Implication dans la formation médicale et paramédicale

a.      Maitrise de stage

Le centre de santé départemental a pour but d’accueillir des étudiants en formation. Cela est permis par le code de la santé publique (39) qui indique que les centres de santé ont vocation à être des lieux de stage pour la formation des différentes professions de santé.

La direction du centre de santé départemental invite chacun de ses médecins installés depuis plus de 3 ans à devenir maîtres de stages universitaires. En effet elle estime, à juste titre, que la venue des étudiants sur les territoires au sein de stages formateurs de qualité, est une des mesures indispensables pour y favoriser l’installation des futurs jeunes médecins. En effet une étude réalisée auprès d’internes montre que seulement 3% des internes n’ayant pas fait leur stage chez le praticien ont pour projet de s’installer en zone sous dotée, alors que 9% des internes ayant fait leur stage chez le praticien ont pour projet de s’installer en zone sous dotée (40).

En ce sens, l’accueil de futurs professionnels de santé en cours de formation au sein de ses centres de santé territoriaux et antennes territoriales est donc amené à devenir une mission importante, voir primordiale du centre de santé départemental. Cet axe de développement est aujourd’hui très avancé puisque les premiers étudiants en médecine et jeunes médecins en formation seront accueillis en novembre 2019.

b.      Centre de santé universitaire

Alors que l’accueil d’étudiants en stage est une priorité à très court terme, le CSD71 envisage à plus long terme de devenir un centre de santé universitaire en lien avec les départements de médecine générale des universités proches. Le but étant d’accueillir en plus des stagiaires et internes, des chefs de cliniques et assistants spécialistes, afin de s’inscrire et participer aux thématiques de recherche universitaires développées par les départements de médecine générale. Le premier assistant spécialiste partagé entre ambulatoire et hospitalier exercera au sein du centre départemental à partir de novembre 2019.

VIII.          Conclusions

En introduction de ce travail de thèse nous avons étudié le contexte de déclin de la démographie médicale au sein du département de Saône et Loire, mais également l’augmentation croissante du besoin en soins des populations, du fait de leur fragilité, le tout conduisant à une majoration de la consommation de soins. C’est la simultanéité de l’occurrence de ces éléments qui a contribué à la formation de ce que l’on appelle trivialement les « déserts médicaux ». Et c’est cette situation de pénurie d’offre de soins qui a motivé la création du centre de santé départemental de Saône et Loire.

En effet l’évaluation initiale des besoins a montré que l’amélioration de l’accès aux soins au sein des bassins de vie les moins bien dotés en médecins généralistes était un souhait impérieux des populations. C’est ainsi le politique qui a impulsé la création du centre de santé départemental pour répondre aux attentes des populations. Le tout avec une démarche innovante ayant pour but une couverture non pas mono-centrique, mais l’ambition de couvrir l’ensemble du territoire départemental. Chose rendue possible grâce à l’implantation de centres territoriaux dans plusieurs bassins de population, ainsi que d’antennes déployables en fonction des besoins et spécificités locales.

En étudiant le processus de création, puis la mise en place effective du projet, nous avons vu que entre l’impulsion politique initiale et sa mise en œuvre effective tout a été très vite. En effet en 6 mois seulement le centre de santé départemental était créé, ses implantations territoriales décidées après recours à un appel à manifestation auprès des collectivités locales, et les premières consultations avaient déjà lieu au sein des territoires prioritaires.

L’étude du déploiement du centre a montré que malgré des écueils dus à la rapidité de déploiement, le projet est complet et cohérent pour tout un large territoire. Il ne s’agissait pas de créer de énièmes maisons de santé pluridisciplinaires au hasard et d’attendre que des médecins généralistes daignent s’y installer. La démarche était proactive.

Parmi les écueils liés au développement rapide et intense, nous avons détaillé la difficulté d’inclusion dans certains paysages locaux, et en particulier des biais communicationnels avec les acteurs locaux, praticiens libéraux ou patients, dans certains cas. D’autre part, bien que le centre de santé ait réussi à recruter des médecins généralistes salariés, nous avons aussi vu que les recrutements ne sont pas à la hauteur des ambitions du centre. Ils sont d’ailleurs le frein principal à la rapidité d’extension du CSD71.

Nous avons également pu voir que le choix du développement rapide et intense à l’échelle de tout le territoire s’est probablement fait au détriment d’un modèle économique efficient dès le départ, et celui-ci reste donc encore à peaufiner. C’est la puissance financière du département qui a permis cette extension rapide priorisant le service rendu aux patients sur le terrain plutôt que la rationalité financière immédiate.

Enfin l’étude de l’impact réel de la création du CSD71 sur la démographie médicale en Saône et Loire a montrée de manière indéniable un effet positif. Avec le recrutement et l’arrivée sur le territoire de Saône et Loire de médecins venus d’autres départements français, qui n’auraient probablement jamais exercé en Saône et Loire sans la proposition de poste salarié au sein du centre. Depuis la création du centre départemental c’est une forte accélération de l’installation de nouveaux médecins qui a été mise en évidence, puisque supérieure de 300% par an par rapport aux 10 précédentes années.

Outre le nombre brut de nouveaux médecins installés, nous avons également pu étudier les consultations réalisées. Les visites à domiciles qui sont une forte demande de certains territoires à la démographie vieillissante. Mais aussi les déclarations médecins traitant qui renseignent sur la consommation de soins au sein des différents bassins de vie.

Puis l’étude des taux de remplissage des différents centres nous a renseigné sur leur succès immédiat dès l’ouverture, témoignant d’un véritable engouement. La même étude au sein des antennes, avec leurs spécificités locales nous a montré que l’implantation de ces dernières pouvait être très utile pour pallier par exemple des départs à la retraite. Les antennes les moins efficaces se sont montrées être celles des territoires les plus ruraux n’ayant plus de médecins depuis longtemps. Témoignant des mesures déjà prises par les patients pour retrouver un médecin à distance de leur domicile. Ces antennes sont néanmoins d’utilité publique car elles contribuent à améliorer l’accès aux soins, en particulier pour les patients les moins mobiles. L’implantation du centre de santé départemental de Saône et Loire a ainsi eu de nombreux effets sur l’accès aux soins de populations qui voyaient depuis des années l’érosion du nombre médecins généralistes sans que les mesures mises en place jusqu’alors n’aient été efficaces.

Le CSD71 doit maintenant renforcer son implantation en augmentant ses effectifs afin de pourvoir les antennes prévues pour sa phase 3 de développement et de consolidation. Il s’agit de la priorité, mais outre le nombre brut de médecins et d’antennes ouvertes, les services proposés aux patients sont aussi amenés à s’étoffer grâce à l’approche innovante du centre. Son souhait de participation au développement de la santé numérique, et son implication dans la formation des futurs médecins généralistes en sont les axes prioritaires.

Une fois ce niveau de développement et d’implantation satisfaisant le CSD71 devra aussi entrer dans un processus de rationalisation financière afin de satisfaire au principe d’équilibre financier qui fait partie des principes fondateurs du centre.

Pour conclure on pourrait comparer le centre de santé départemental de Saône et Loire à une start up, en ce sens où sa démarche et son développement sont innovants par rapport aux centres de santé déjà existants. En témoigne d’ailleurs le prix reçu aux trophées Silvereco 2019 (41) qui récompense les acteurs innovants de l’économie liée à la santé et au vieillissement de la population. Le centre partage aussi des caractéristiques en commun avec les start up : difficultés de recrutement de personnel hautement qualifié, nécessité de croissance rapide, besoin de fond de roulement important pour sous tendre les investissements et la croissance rapide en attendant la rentabilité (ou équilibre financier ici), et enfin le caractère temporaire car le centre départemental n’a pas vocation à fonctionner comme une start up ad vitam eternam. Ce mode de développement initial permet de répondre rapidement à un besoin urgent, mais le but est de devenir une structure pérenne par la suite, en recherchant un modèle économique visant l’équilibre financier.

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